20 juil. 2009

Prise de décision



Introduction :

Je me suis posé mille questions sur les raisons de mon départ. Et un jour j’ai lu la couverture de mon livre de chevet « L’usage du monde ». J’avais lu ce livre à quatre ou cinq reprises, il est même l’un des éléments déclencheurs de mon envie de voyage et pourtant je n’avais jamais porté attention à cette citation inscrite en italique au dos du livre. « Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. » Tout simplement. La réponse était sous mes yeux depuis le début. Pourquoi s’entêter à chercher une quelconque raison de partir ? Toute réflexion cartésienne ne peut que me dissuader de mes envies de fuite et c’est bien normal puisque les rêves n’ont rien de cartésiens. Ils ne répondent à aucun standard de notre société qui sort alors tout un attirail de boucliers vous obstruant le chemin si vous commencez à essayer de justifier logiquement votre démarche.

On a beau être chevalier au grand cœur, on en reste pas moins un homme faible face à la montagne d’incertitudes que comporte ce genre d’aventures.
Tout se joue alors dans la tête et il faut, à mon sens, prendre conscience de 3 aspects primordiaux pour pouvoir un jour se lancer.

1- Je ne serai jamais prêt.

Hormis celui qui a déjà une belle expérience de voyageur derrière lui, je crois que d’aucun qui tente un tel périple puisse se sentir sur de lui à 100%. Cette vie est tellement différente et imprévisible qu’il est impossible de se sentir complètement prêt. On entre dans ce schéma lorsque l’on commence à repousser le voyage pour des raisons techniques ou matérielles. Il est assez difficile de s’en extraire car des notions de sécurité (physique ou de ressources, le plus souvent, ou psychologique sur d’autres aspects) y sont souvent rattachées. Ces notions apparaissent très tôt dans la pyramide des besoins de Maslow par exemple et constituent donc un cap très difficile à franchir psychologiquement. De manière connexe, la préparation est un jeu de yoyo sur le poids de l’équipement en fonction de votre sentiment de sécurité et de confort que l’on peut apparenter à la sécurité psychologique. Pour passer ce stade, il faut de prendre conscience que l’on ne sera jamais paré à toutes les situations. Pour 90% des cas, la préparation jouera un rôle essentiel mais pour les 10% restants le maître mot devient adaptabilité. Chercher à réduire ou supprimer ces 10%, c’est se confronter à un mur infranchissable. Dés lors on prend confiance en ses possibilités et le jour où l’on tombe dans une situation critique on réagit davantage en : Comment résoudre la situation avec les cartes que je possède en main ? Plutôt que : Si j’avais su je me serais préparé à cette situation. Attitude qui est clairement contre productive car inefficace et minant le moral.
Je serai capable de faire face à des situations non envisagées grâce à mon sang froid et mon sens de l’adaptabilité.

2- Je regarde ce que j’ai à gagner et non ce que j’ai à perdre.

Pour prendre la décision on se pose souvent la question du pourquoi. Pourquoi devrais-je partir ? Pourquoi devrais-je rester ? Toutes ces questions sont légitimes et font appel à des notions de gains et de pertes comme en économie. Les pros de la psychologie et autre PNL vous parleront d’écologie personnelle mais pour moi le terme économie me parle mieux. En clair, il s’agit de faire la balance entre ce que l’on a à gagner et ce que l’on a à perdre pour prendre une décision. Il paraît que, toujours consciemment ou non, on se confronte systématiquement à cette balance pour prendre une décision. Les psychologues peuvent appeler ça comme ils veulent, ça reste ni plus, ni moins qu’une liste de pour ou contre. Mais vue l’importance de ce genre de décision, il est important de bien poser le problème. Et c’est là que les difficultés arrivent. Cerner ce que l’on a perdre est très facile car ce sont des choses que l’on connaît et que l’on vit à chaque instant, on est donc constamment entouré de ces petits conforts importants ou insignifiants qui nous rappellent sans cesse le risque auquel on s’expose dans le voyage. Tout ceci est encore amplifié par le point n°1 et nos besoins de sécurité. (A noter que c’est malgré tout des moments très appréciables car on prend enfin conscience du confort de nos sociétés de consommations). A l’opposé lorsque l’on s’intéresse à ce que l’on a à gagner de manière logique et cartésienne, on se retrouve bien démuni. Il est difficile de mettre des mots sur un état d’esprit de libertés et de découvertes plutôt que sur des aspects purement matériels. Ce que l’on va chercher est impalpable et c’est même ce qui en fait le charme. Mais quand il s’agit de balance, le frigo et la télé pèsent bien plus lourd que le romantisme et la bohème ! On voit toujours davantage ce que l’on a à perdre plutôt que ce que l’on a à gagner. Le fond du problème provient du fait que l’on ne se lance pas dans ce genre d’aventures pour des raisons logiques. Alors à quoi bon essayer de les justifier de manière cartésienne ?
De ce constat certains pourront clore le débat et décider de partir, d’autres comme moi auront besoin de se convaincre un peu plus rigoureusement. Voici ma théorie de psychologue de bas étage : Poser le problème en gain et perte est une approche classique pour faire un choix mais elle ne correspond pas du tout à ce genre de décision pour lesquelles les objectifs sont, à ce point, différents. Prenons un exemple basique : Je dois me déplacer tous les jours et j’hésite à changer de voiture. Si j’en achète une neuve, je gagne en confort, je perds en argent mais je gagne en consommation donc ça s’équilibre, blablabla… On peut peser le pour ou le contre car les deux solutions aboutissent au même objectif qui est de pouvoir se déplacer. Il s’agit plus d’une optimisation du choix puisque les deux solutions remplissent l’objectif qui est unique. Mais si les objectifs sont différents, ce schéma ne s’applique plus. Il faut alors remonter un cran plus haut. Définir précisément quels sont les objectifs des deux orientations et déterminer leur ordre de priorité. Ce n’est pas du tout chose facile car tout cela est bien conceptuel et l’on se perd souvent en route en se demandant le rapport avec un bonhomme sur une bicyclette. Néanmoins voici ma synthèse (la mienne à moi, pas la votre hein ?) : Est-ce que je préfère privilégier le confort et la sécurité à l’épanouissement personnel ? Pour y répondre, rien de plus simple : Suis-je heureux dans ma vie actuelle ? A quel niveau ? Le serais-je davantage pendant mon voyage ? A quel niveau ? Suis-je en sécurité dans ma vie actuelle ? A quel niveau ? Le serais-je pendant mon voyage ? A quel niveau ? Que du subjectif et de la prévision digne de la diseuse de bonne aventure. Ce n’est pas gagné. J’ai gardé ces questions à l’esprit pendant plusieurs mois et j’ai testé à petite dose ma vie future pour me faire une idée plus précise. Je ne détiens pas la vérité mais je suis convaincu d’avoir fait le bon choix au moment où je le fait. C’est là le plus important. Il n’y a pas de mauvais choix dans ces schémas, un choix sera bon ou mauvais selon la fidélité qu’on lui accorde.

3- C’est maintenant ou jamais.

Une fois que l’on se sent prêt techniquement et que l’on est convaincu du bien fondé du départ, le troisième cap psychologique à franchir est de décider quand. Et là, il n’y a pas d’hésitations à avoir : il faut fixer la date optimale et s’y tenir. Un objectif de départ du style « dans 2 ans mois » ou « au mois de Septembre 2009» sera obligatoirement repoussé. Il faut aborder le départ en se disant « je pars le… à telle heure ». Toute la préparation se calibre en fonction de cette date et non l’inverse, sans quoi soit on devra repousser, soit on partira sans avoir fini la préparation (ce qui n’est pas fondamentalement grave selon le point n°1). Pour mon cas, la décision de partir a été prise assez tôt mais ensuite j’ai mis un temps incroyable (presque un an) à franchir le point de non retour. Ce point je ne l’ai franchi qu’après m’être imposé une date finale et intangible pour le départ. Une fois au pied du mur, le choix devient plus clair car complètement manichéen : ou bien je passe le cap maintenant, ou bien je ne le fais pas et désormais je sais que je n’aurai jamais la volonté de m’extraire de ma condition actuelle. Tous les petits prétextes plus ou moins justifiés sont balayés à un plan secondaire et il n’est plus possible de se cacher consciemment ou non la vérité. C’est le moment du « maintenant ou jamais ». J’ai buté contre le pied du mur début Mai 2009 alors que j’avais prévu un départ au plus tard le 15 Septembre 2009. Compte tenu de mon préavis de départ de 3 mois pour mon emploi, il me fallait prendre une décision dans les 15 jours. Je me suis confronté à ma conscience et à mes aspirations : ma décision est tombée. Le point de non retour a été franchit à l’instant où j’ai posté ma lettre de démission. C’est une étape importante qui permet de basculer du rêve à la réalité car quoi qu’on en pense, désormais il faudra partir. Si vous croisez un voyageur au long cours, demandez-lui quel a été son point de non retour. Beaucoup sont passé par là et il s’en souviendra béatiquement comme le moment de sa renaissance. Par contre, préparez-vous à passer quelques nuits blanches à retourner le problème dans tous les sens, car il faut passer par le point n°2. Et encore pour moi cela a été plutôt facile : pas de femme, pas d’enfants, pas de maison, pas de crédit. D’autres chevaliers on eu fait preuve d’une bravoure incroyablement supérieure à la mienne.

Conclusion :

Je vous ai présenté ici mon raisonnement étape par étape pour enfin me décider à partir. Il s’agit là de mon expérience et rien de plus. Je suis de formation scientifique et j’éprouve constamment ce besoin de décortiquer les choses jusqu’à la moelle pour me convaincre de leur bienfondé. D’autres partent sur un coup de tête quand une goutte d’eau fait déborder le vase de leur souffrance quotidienne ou quand une autre goutte fait déborder l’autre vase, celui de l’envie de nouveaux horizons. Chacun se construit différemment.

Il faut encore ancrer le projet dans la réalité et là c’est tout un programme. Un rêve c’est beau, c’est idéal, c’est immatériel. La réalité peut être tout autre et il faut apprendre à brimer ses allants de romantisme pour appliquer le calque du rêve un peu trop lisse sur les aspérités tranchantes du terrain.

3 commentaires:

  1. T'écris vachement bien, je suis impressionnée. Il est bien loin le bac français et les "fiacres".
    En tout cas si en rentrant tu ne retrouves pas de boulot, tu pourras publier le récit de ton voyage initiatique.
    De nouvelles perspectives s'ouvrent à toi: maître de conf en socio-psycho-phylosophie, voire coach en développement personnel ou encore gourou de secours !!!
    Le principal c'est de ne pas se perdre en chemin et de ne pas oublier de revenir. On t'attendra !!
    biz
    Julie

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  2. Je suis en train d'écrire le reste mais c'est assez long à coucher sur le papier !

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  3. Un site très instructif sur nos envies de voyage... http://www.voyageplus.net/preparatifs_liens.html

    Notamment les articles "réfléxion" dans le menu de droite.

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La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
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