Un dimanche humide

Il fait bien gris ce matin. Le brouillard enveloppe tout et lors de ma première sortie à 8h il tombe déjà des gouttes. Je décide d’attendre un peu pour voir si le temps veut bien se lever. A 8h30, il ne pleut plus mais il reste une brume qui tombe sur le sol et me mouille quand je roule. Qu’à cela ne tienne, j’enfile mon gilet jaune fluo qui ne m’a pas servi depuis la Turquie et je vais en direction de Radom. La route est large et quasi déserte en ce dimanche matin. Je ne me sens pas en danger. Mais les kilomètres sont longs car je ne distingue aucun paysage avec ce brouillard. J’arrive finalement à Radom vers 10h mais il n’y a pas grand chose à voir dans cette ville. Et vu le temps je n’ai pas envie de rester flâner dans les parcs. Je ressors rapidement et le ciel se lève enfin. Le brouillard se dissipe et me laisse le loisir de contempler cette campagne que j’ai appris à aimer pour sa simplicité. Il y a de grandes forêts de feuillus dans cette région et on exploite beaucoup le bois dans chaque village. C’est dimanche et les églises font le plein. C’est impressionnant à voir. Par endroit l’église est trop petite pour accueillir tout le monde. Les retardataires suivent la messe depuis le parvis.
A midi je suis à Brzozà et tout est désert. Je pense qu’il s’agit d’une journée de commémoration car les maisons arborent toutes le drapeau polonais berné avec un ruban noir. A la sortie de la messe, les cloches ne sonnent pas à toute volée comme d’habitud, mais plutôt sur un rythme lancinant. Le vent souffle d’ouest et se renforce dans l’après midi alors je modifie encore ma route pour éviter qu’il me bloque. J’atteins la plaine de Wiska et désormais c’est vraiment tout plat. Il y a de beaux petits marais qui bordent le fleuve. Je m’arrête à Warka après 85km. Ce n’est pas énorme mais je n’ai plus la motivation pour aller plus loin. A quoi bon, j’ai largement d’avance sur mon programme et ça n’est pas dix ou quinze kilomètres qui feront la différence. Je demande l’hospitalité aux gens que je croise, mais la mauvaise humeur des gens de cette bourgade me glace le sang. C’est à peine si l’on m’adresse la parole. Pour finir je vais voir à l’église et rencontre le prêtre. Celui ci est d’une bonté formidable. Il n’a pas d’endroit pour me loger alors il me conduit jusqu’à un hôtel où il paye la chambre. La générosité polonaise n’en finit pas de m’étonner. Une fois dans ma chambre, j’allume la télé pour voir la météo. Mais toutes les chaînes sont en édition spéciales. Et vu le ton grave des présentateurs, je comprends qu’une tragédie s’est produite. Après un demi heure à déchiffrer les bandeaux déroulants, je finis par saisir que le président polonais est décédé dans un accident d’avion. Je comprends mieux pourquoi les églises étaient bondées et la présence de tous ces bandeaux noirs. Je m’en veux d’être arrivé avec mes gros sabots. Et je comprends que les gens avaient d’autres priorités que de s’intéresser à un cyclotouriste. Triste jour pour le peuple polonais encore et encore…