12 avr. 2010

Recueillement à Varsovie

La nuit d’hôtel comprend le petit déjeuner, alors après la douche, je reprends des forces pour la journée à venir. Encore de délicieuses charcuteries fumées et des œufs brouillés, le tout accompagné d’un thé au citron ! Point météo du jour : grand soleil et ciel dégagé comme chaque matin depuis une semaine. C’est vers midi que les nuages font leur apparition et souvent j’ai droit à quelques averses en fin de journée. C’est pourquoi je pars de bonne heure d’autant qu’aujourd’hui je vais visiter la capitale polonaise. Après dix kilomètres je retrouve la Wista que j’avais quittée à Cracovie. Elle a bien gagné en débit et ce fleuve me donne une impression de puissance démesurée. Une force de la nature qui s’écoule dans une longue plaine. Cette fois j’ai bien atteint la plate Pologne, pas la moindre côte à l’horizon. Ce qui m’étonne davantage c’est que les champs cultivés ont disparu. Ici je suis au milieu de vergers et les pommiers reprennent doucement vie après la froideur hivernale. Les boutons blancs forment comme des colliers de perles sur les branches. Il y a aussi de grandes forêts de feuillus que je traverse avec plaisir car elles me protégent du vent d’ouest. Une petite erreur de direction à Gora Kalmaria me propulse sur la grande artère qui dessert le sud de Varsovie. Cela m’ennuie un instant mais je découvre une belle piste cyclable et je peux profiter pleinement de l’entrée dans la ville. Après avoir traversé une zone commerciale exclusivement composée d’enseignes françaises (Auchan, Décathlon, Carrefour, Norauto, Leroy Merlin…) je déboule sur les grands boulevards du quartier d’affaires. Les buildings flambants neufs, tout de verre, de béton et d’acier s’élèvent jusqu’au ciel et les architectes s’en sont donné à cœur joie pour rivaliser dans les formes toutes aussi étranges les unes que les autres. Enfin, j’entre au centre ville. Je dois faire sans cesse attention pour traverser les voies du tramway qui coupent la route tous les 100 m. Je me dirige à vue de nez vers la cathédrale que je vois au loin. L’édifice est magnifique, mais il ne vaut pas Cracovie quoique les deux flèches dorées et vertes confèrent de la majesté au bâtiment. Je pars ensuite vers une immense tour que je vois pointer au loin. Il s’agit en fait de l’ancienne gare ferroviaire reconvertie en opéra. C’est vraiment énorme, cela fait penser au palais de Caucescu à Bucarest. La taille du bâtiment est démesurée par rapport au reste du quartier. Cet héritage de l’ère communiste me laisse un peu circonspect.
Au pied de cet opéra, je rencontre Mikaël, un néerlandais qui visite aussi la ville en vélo mais sans bagage ! Nous discutons un peu du voyage puis il m’indique la direction du centre historique. Je roule sur les pavés disjoints des rues piétonnes. Au loin je repère un énorme attroupement. Il s’agit du palais présidentiel. Les polonais viennent de tout le pays pour rendre un dernier hommage à leur président. Lorsque j’atteins la foule, je ressens l’ambiance étrange qui habite ce lieu. L’odeur de cire des cierges me prend à la gorge. Impossible d’avancer en vélo, la foule est trop dense. Je mets pied à terre et m’imprègne de l’ambiance. C’est très étrange, l’heure est au recueillement et tout est calme et silencieux rapporté au nombre de personnes présentes ici. Mais il y a plus que cela. Il règne également comme un sentiment d’excitation de participer à un événement tragique certes, mais historique. Il se dégage cette puissance incommensurable propre aux événements capables de rassembler toute une nation derrière une même cause. Je crois que s’il peut ressortir quelque chose de positif de ce drame, c’est cette unité du peuple polonais à faire face au malheur.
Devant le palais, les gens déposent de petites lanternes rouges et blanches. La surface couverte par ces témoignages de soutien est inimaginable. Je balaye toute la place du regard et le sol est couvert de cierges. C’est vraiment impressionnant d’autant que l’odeur de la cire et de l’encens est suffocante. Les plateaux mobiles de Tv sont installés ici et vous avez certainement vu ces images en France. Je quitte les lieux, laissant ma place au peuple polonais qui a davantage de raisons que moi de venir se recueillir ici.
Je ne veux pas m’éterniser, cela tiendrait plus du voyeurisme que du tourisme. Je me dégage de l’étreinte de la foule et rejoins le centre ville. Je découvre de somptueuses petites rues dont les immeubles anciens comportent de jolies façades de toutes les couleurs et parfois aussi ornées de magnifiques motifs. Un peu plus loin, un impressionnant château s’impose comme le cœur historique de la ville. Il est en briques rouges et ses murailles et ses tours me rappellent un peu celui de Cracovie. Rien d’étonnant, les édifices datent sensiblement de la même époque. Je mange tranquillement sur les rives de la Wista puis repars gentiment vers la sortie de la ville. De ce côté du fleuve, je trouve encore de belles églises le long de ma route. Je ressors sans trop de difficultés et continue paisiblement de sortir de ville. Une petite forêt plus loin, je suis à Wotomin, premier village de campagne. Je m’y arrête pour ce soir car le village suivant est à 25km sur ma carte. Rien de particulier à voir ici. C’est une commune dortoir de Varsovie. Les enfants sont partout dans les rues car les écoles sont fermées aujourd’hui en signe de deuil. Je demande brièvement l’hospitalité mais je comprends vite que comme hier, l’ambiance est au recueillement. Je n’insiste pas et m’écarte du centre pour m’installer dans une maison en construction. J’aurai en récompense de ma journée un coup de fil de mes parents qui me fait grand bien.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
Nombre de visites : compteur pour blog