Comme à mon habitude désormais je pars aux aurores pour profiter pleinement de ma journée en toute tranquillité. Pour rejoindre la frontière je vais devoir quitter le réseau principal pour m’engager sur les petites routes. La journée qui se profile va être très inhabituelle. Je continue de me balader sur mes petites collines roumaines au milieu des champs cultivés. Par endroits les paysans font brûler les champs pour les désherber avant les semailles. Cela permet sans doute de nourrir la terre avec les cendres. L’odeur âcre de fumée est constamment présente et me gène un peu. Mais ça ne m’empêche d’avancer jusqu’à Crasnu où je découvre une région de jolis petits étangs envahis par les roseaux.
Je prends toujours plus à l’ouest, toujours plus face au vent et toujours sur une route défoncée. Le bitume est de plus en plus rare au fur et à mesure que j’avance. Et lorsque j’arrive dans un petit hameau, c’est la fin de la route à proprement parler. Ici il n’y a qu’un chemin de terre vaguement empierré. Ce chemin est très douloureux pour mon fessier déjà mis à rude épreuve par les étapes précédentes. Le prochain village est à 10km et je passe une heure très étrange. Il m’est impossible de dépasser les 10km /h sous peine de voir mes sacoches se décrocher. Je passe dans des endroits où les gens vivent dans une misère totale. Les ordures sont partout, en bord de chemin, dans les maisons, dans les ruisseaux…Ce sont des Roms (ou Gipsy comme on les appelle ici) qui vivent là si loin de tout. L’ensemble de la société roumaine est bien heureuse de les savoir cantonnés loin des villes. Je pense aux intouchables de la société indienne, leurs conditions de vie sont à peu près aussi désastreuses.
Après une heure de tape cul insensée, je retrouve du goudron à Nusfalou. Même si la route est ici aussi très défoncée, elle me fait l’effet d’un véritable tapis que j’apprécie à sa juste valeur. Je m’arrête à Ip pour profiter un peu du soleil. La route se vallonne ensuite de plus en plus et je suis cerné par ce relief qui m’en fait baver. Je prends le temps d’admirer ces paysages ruraux et ces bosquets d’arbres disséminés sur les collines. A midi, je suis à Abram où je trouve une belle rivière. Je m’arrête près de la gare pour manger. Je fais connaissance avec le chef de gare et quelques employés des chemins de fer. Nous discutons un peu avec les mains car mon roumain reste très approximatif. Pour finir, on me sert un verre d’alcool de prune très fort qui me débouche les tuyaux. Et pour faire passer j’ai droit à un verre de vin du pays. Sous le soleil qui tape dur en ce milieu de journée, l’effet est garanti et je reprends la route avec quelques étincelles devant les yeux. Mais surtout l’alcool me coupe les jambes et me donne envie de dormir. Je décide de faire la sieste ! Une très bonne idée, car par la suite je roule sur plusieurs secteurs pavés. Impossible de rouler là dessus, c’est pire qu’un tremblement de terre. Je risque d’abimer mon matériel et mes fesses sont endolories. Je pousse mon vélo sur plusieurs kilomètres avant de retrouver le bitume, puis encore des pavés pour quelques kilomètres. C’est du grand délire le réseau des routes secondaires roumaines.
J’abandonne définitivement l’idée de passer la frontière aujourd’hui. J’avance à pas de fourmi jusqu’à Sacueni, dernière ville avant la Hongrie. Il est tard et la nuit pourrait tomber dans l’heure qui vient. Je ne sais pas exactement l’heure qu’il est. Je suppose qu’il y a un décalage avec la France comme en Turquie ou en Bulgarie. Mais il est possible que nous soyons passés à l’heure d’été sans que je le sache. Ceci supposant que l’heure d’été et l’heure d’hiver existent dans ce pays. Bref, je fixe mon programme journalier en fonction du soleil et ne m’inquiète pas de l’heure réelle. Je précise également que les églises orthodoxes n’ont pas d’horloges. Vu l’heure (tombée de la nuit) je vais demander conseil au commissariat de police pour trouver où dormir. On m’indique que la gare est sans doute le lieu le plus approprié. Contrôle de passeport, puis je file le long de la voie ferrée pour trouver un endroit correct pour dormir. Deuxième contrôle de passeport par la police des frontières, puis troisième contrôle par les agents de sécurité des transports. J’ai été contrôlé par toutes les autorités de la ville. La nuit sera bercée par le passage des trains interminables de marchandises. Demain la Hongrie, cette fois c’est sûr !
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