22 mars 2010

La traversée des Carpates



Je quitte Jimmy à 9h du matin. La nuit a été courte, mais j’ai l’impression d’avoir bien récupéré. Je le réveille et lui dit au revoir, il me répond dans un semi réveil, puis replonge sous la couette. Ma route commence par 3km de montées très abruptes. Je déteste démarrer par une énorme côte comme celle là mais je n’ai pas le choix. En haut, j’ai déjà les jambes coupées et les muscles durs. Attaquer si fort à froid ça n’est pas bon du tout. Heureusement j’ai ensuite une longue descente vers Rannicu Valcea qui me permet de souffler un peu. En bas je suis soulagé, car il y a une grande rivière et ma route va la longer. Je peux donc espérer qu’il n’y aura pas trop de côtes.
Pour l’instant, la vallée est très large et c’est bien agréable de parcourir ces kilomètres au bord de l’eau. Le relief se renforce petit à petit de part et d’autre et la vallée se resserre. A Calmanesti, les choses sérieuses vont commencer. La vallée se referme en gorge étroite et la rivière a découpé la montagne en deux, formant deux falaises qui se font face. C’est magnifique ! Je suis heureux de constater que la route reste très plate en bordure de l’eau et à flanc de montagne. A chaque méandre, je découvre un nouveau décor qui me ravit. Tantôt rocheuses, tantôt boisées, les Carpates resplendissent sous le soleil et m’offrent de belles nuances de gris, de bruns, et de verts. Quand les gorges s’élargissent, je découvre un petit hameau perdu au milieu de cette immensité. Sur les hauteurs, il a quelques magnifiques monastères à l’architecture typique de la Transylvanie. Certains sont en bois et d’autres en pierres. Entre deux montagnes, j’ai parfois une vue plus dégagée vers l’est et d’immenses sommets enneigés se dessinent alors à l’horizon. Et quel bonheur, ma route reste plate. J’adore avoir de beaux paysages de montagne à contempler sans avoir à faire d’efforts !
Je m’arrête à Cineni pour manger. Des hommes pêchent dans la rivière, d’autres mènent leur troupeau de moutons sur les pentes escarpées. Je fais une longue sieste au soleil, bercé par le bêlement des bêtes et les cris des bergers. L’après midi sera de la même veine et cette rivière, même si elle se réduit au fil des kilomètres ne m’abandonnera pas. A Boita, mon horizon s’ouvre, c’en est déjà fini des Carpates. Je jette un dernier coup d’œil en arrière vers ces montagnes impressionnantes, puis continue ma route. Je quitte cette belle rivière sans en connaître le nom, mes cartes roumaines ne sont pas assez précises. Et c’est maintenant que je dois grimper les quelques collines cultivées de la région. Les kilomètres accumulés commencent à faire leur effet et je préfère m’arrêter à Tolmaciu (grosse ville qui n’est même pas sur ma carte). Je ne suis qu’à 15km de Sibiu. Ici je toque à la porte du temple protestant et en dix minutes, on me trouve une chambre à la mission. Nuit bien au chaud et bon repas préparé par Novak qui n’est pas bavard, mais bien brave avec moi. J’attendais cette étape comme une épreuve, ce fut en fait une récompense. La récompense de quoi ? Peut être d’avoir traversé la maladie et d’en être ressorti avec la force de pouvoir continuer mon chemin sans ennui…

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La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
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La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
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