20 mars 2010

Bucuresti et au delà


Mes précautions vestimentaires ont porté leur fruit et la nuit a été bonne. Je suis déjà satisfait d’avoir pu récupérer un peu des efforts d’hier. Deuxième bonne surprise, mes selles du matin sont plus consistantes. Il y a de l’amélioration de ce côté là également. Je me suis levé avec le jour et je pars donc de très bonne heure. Il va falloir traverser la capitale roumaine qui m’a tout l’air d’être comme d’habitude : l’enfer du cycliste. La circulation est dense et complètement anarchique. Sur les grandes avenues qui mènent au centre ville, je ne me sens pas en sécurité au milieu de ce flot de camions, voitures, bus et tramways. Il y aura quelques passages « chauds » où les conducteurs roumains semblent développer un trouble de vision très particulier qui les empêchent de voir les cyclistes. Dans le centre, ça roule un peu mieux et je remonte fièrement l’équivalent des Champs Elysées roumains pour admirer le parlement et le palais démesuré de Ceaucescu. C’est vrai que ce « cabanon » posé au milieu de la ville est d’une démesure obscène, mais son architecture n’en est pas moins remarquable. Il resplendit sous ce soleil qui m’accompagne depuis quelques jours. Ma route croise également de belles églises orthodoxes, mais je ne m’attarde pas car le trafic me dégoute rapidement dans cette ville dantesque. Direction plein ouest vers Pitesti.
Mauvaise surprise à la sortie de Bucarest, la route que je comptais emprunter est en réalité une autoroute, impossible pour moi de m’y engager en vélo. Je trouve une route secondaire bien plus calme, mais cela m’inquiète car pour aller à Sibiu il faudra peut être traverser les Carpates par des petites routes qui grimpent dans la montagne. Pour l’heure je profite de cette belle plaine et du soleil. Le vent est plus calme aujourd’hui et me permet d’avancer à bon rythme. Ma santé s’améliore et je retrouve des forces. Je pense que la diarrhée m’empêchait d’assimiler mes repas et c’est sans doute la cause de ma faiblesse d’hier. Je passe dans de jolis petits villages qui semblent un peu moins pauvres que ceux traversés hier. Les maisons sont peintes et il y a des voitures dans les garages. Cette zone vit de l’agriculture et ça se sent au sens propre ! Des tas de fumier sont disposés à même la route en attendant de les répandre dans les champs. Le revêtement n’est pas très bon et la route est poussiéreuse. Les camions me noient dans un nuage qui m ‘assèche la gorge. Mais c’est un réel plaisir de pouvoir rouler sans aucun souci. Mes jambes sont bonnes et je parcours une bonne partie de mon étape du jour avant 11h30.
Je m’arrête à Lunguletu pour manger et profiter du soleil. Le moral est revenu et je savoure enfin ces instants de liberté. C’est une sensation difficile à expliquer mais se savoir au beau milieu de la Roumanie à plus de 4000km de chez soi, sans que personne ne sache exactement où vous localiser, procure un fort sentiment de détachement de tout ce que l’on a connu auparavant. Je me sens insaisissable, comme un liquide que l’on voudrait attraper à mains nues. Je suis le vent, je suis l’eau, je suis partout et nulle part à la fois, je suis invisible, imperceptible, inarrêtable…Cet après midi, je profite de mon avance pour rouler doucement et multiplier les pauses. Il n’y a pas grand chose à voir dans ces campagnes roumaines, mais l’ambiance de ces coins reculés suffit à mon contentement.
Arrêt final à Gaesti après 95km d’une belle étape. C’est un bourg un peu plus gros que les autres, on y trouve des rues commerçantes. Après un passage infructueux à la mairie, je rencontre Sophia qui à son tour me présente Julian. Il vit dans une petite cabane en bordure d’un terrain vague. Il est vraiment sympathique et ouvert avec moi alors qu’il ne possède rien…J’aurai une belle place dans une autre cabane pour la nuit. C’est exactement ce que je cherchais. En attendant le soir, je rédige mon journal au soleil assis sur un vieux bidon. Je réalise ma chance et tout ce que ce voyage m’apporte. Avant de dormir, des images éparses de toutes mes aventures me reviennent à l’esprit, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Croatie etc

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La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
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