12 févr. 2010

Venise

Le petit déjeuner est encore un instant fort en compagnie de Don Franco et Don Mattéo. Ils iront même jusqu’à dire une prière pour mon voyage et m’offrent une image de la Madonna della Grazie, protectrice des lieux. Les adieux sont un peu difficiles. Une fois de plus je suis ancré et m’arracher me brise le cœur. Mais qu’il en soit ainsi, j’ai encore de belles aventures devant moi, à commencer par Venise que j’ai en ligne de mire ce matin. La route pour rejoindre la lagune est toujours aussi intéressante. C’est très plat, les champs s’étendent à perte de vue, enfin jusqu’à la mer ! Je m’arrête au Décathlon de Mestre pour acheter une paire de lunettes. En ce moment j’ai une fâcheuse tendance à disperser mes affaires aux 4 coins de l’Italie. Quand on n’a pas de tête on paye les pots cassés ! 9 euros en l’occurrence : une véritable fortune comparée à mes dépenses du moment. L’hospitalité est telle que je n’aurai pas dépensé plus de 40 euros pour un mois de voyage en Italie. Au bout du pont interminable, j’aperçois les dômes et les clochers de la Cité des Doges. La silhouette de la ville se découpe sur un ciel bleu et se reflète dans les eaux dorées de la lagune. L’instant est magique ! J’arrive à la périphérie de la ville et je comprends immédiatement que les vélos ne sont pas les bienvenus ici. C’est vraiment le pays des escaliers. Je laisse donc ma bicyclette devant l’officine des carabiniers, puis je vais d’un pas léger visiter cette cité formidable. On m’a beaucoup loué Venise. Si bien que je m’en fais une image que je craignais trop idéalisée. Mais j’étais bien loin en réalité, de concevoir la beauté de Venise. Chaque bâtiment, chaque canal, chaque pont mériterait une éloge d’une page. Le soleil baigne la ville d’une belle lumière et le carnaval apporte encore une ambiance et une chaleur particulière au décor déjà mirifique. Comment vous décrire Venise ? Mettre des mots ou revenir avec des photos de cet enchevêtrement poétique de ruelles et de canaux est une insulte à la magie du lieu. Venise ne se décrit pas, Venise se vit ! Le grand canal, d’un bleu azur ; les façades qui plongent dans cette eau transparente et reflètent leurs teintes rouges, vertes et blanches, les gondoles qui passent paisiblement sous d’innombrables ponts minuscules aux garde-fous ciselés. Les ruelles sont si étroites que l’on ne s’y croise que de profil. En levant la tête, le linge pend aux fenêtres soutenues par de majestueuses colonnes et arcades en ogives. Les églises qui ponctuent chaque allée et dont les façades et les clochers vous submergent de béatitude, les carillons qui finiront de me plonger dans ce contentement béat. Le Rialto, cœur de la cité qui grouille de spectres fantomatiques et de dames du beau monde en ces temps de carnaval. La place San Marco et sa basilique d’une blancheur immaculée, 50 cm d’eau sur toute la place, c’est « l’aqua alta » dommage pour la perspective…L’université qui expose ses rougeurs sur l’entrée du grand canal…Et surtout cette quiétude qui enveloppe la ville entièrement piétonnière. Bon, je ne voudrais pas y vivre, tout à l’air problématique, du ramassage des ordures à la livraison du courrier. Les prix sont juste démentiels : Place Saint Marc 4,5 euros la bouteille d’eau ! Je retourne manger vers mon vélo et me renseigne sur les transferts en bateau. Rejoindre Punta Trabbioni serait bien pratique et m’éviterait la grande nationale du gigantesque port de Mestre. C’est possible, mais il faudra quand même franchir quelques escaliers pour rejoindre le bon embarcadère. Vingt minutes de déambulation un peu scabreuses…Le vendeur de tickets tient à tout prix à me faire prendre le direct vers Punta Trabbioni mais je préfère le bateau qui passe par Murano et Burano. Histoire de voir de quoi ça à l’air ! Et ça à l’air très joli, depuis l’embarcadère ! 1h et 7 euros plus tard, je débarque et reprends la route sur la lagune. Une belle route bordée de pins et doublée d’une piste cyclable parfaite. Le vent n’est pas de mon côté, mais je suis habitué maintenant. Seulement 75 km aujourd’hui et la nuit tombe. Je m’arrête à Erricea et Don Antonio me conseille de poursuivre vers Crepaldo où Don Pierro pourra m’accueillir. Et quel accueil ! Douche chaude, repas gargantuesque et lit moelleux. Je suis comblé par cette magnifique journée !

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La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
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