Je reprends la route très tôt car j’ai peur de ne pas pouvoir atteindre Lisbonne avant la nuit. J’ai une merveille à visiter aujourd’hui avec le parc national de Sintra. Je roule donc dès le lever du jour sur de petites routes toujours aussi escarpées avec des paysages magnifiques dans la lumière rasante du matin. Une légère brume donne aux paysages un cadre quasi mystique, les petites collines parsemées d’arbres et de cultures s’enchaînent jusqu’à la montée vers Sintra. La ville basse est très belle avec ses façades ornées de céramique et ses immeubles avec des tours de toutes les formes (pointue, carrée, ronde) Mais le joyau de cette ville classé à l’Unesco se trouve tout là haut : le palais royal et le château des Maures. Pour les atteindre je vais grimper 7km d’un col dont les pourcentages n’ont rien à envier aux montagnes basques. Rampes, lacets, toute la panoplie y passe dans cette forêt d’eucalyptus. Arrivé au sommet, je suis épuisé et j’ai bien mérité la visite du palais pour me reposer. J’entre donc dans ce parc immense où serpentent de multiples petits chemins au milieu de nombreuses espèces d’arbres, de petits étangs, de petits ponts et moulins anciens ou temples d’inspiration antique ou musulmane. Tout est verdure et c’est très agréable après la sécheresse des campagnes traversées ces derniers temps. Dommage que le temps soit si détestable, la brume ne se lève pas et le vent souffle de minuscules gouttelettes de brouillard qui finissent par tout mouiller. Par beau temps ça doit être magnifique de pouvoir admirer la paysage jusqu’à la mer et ses différents caps. Tant pis, je me console en visitant le palais et son architecture du 16e siècle. Les tours colorées se succèdent, les terrasses, le chemin de ronde. Le palais est réputé pour son côté romantique et c’est vrai qu’il a quelque chose de « la Belle au bois dormant ». A l’intérieur il y a des mosaïques aux couleurs et aux formes incroyables. Une succession de décors de toutes influences et de toutes époques. La salle à manger est française, la salle de bal indienne, le bureau musulman et ses fresques en trompe l’œil, les chambres et les salles de bain aux décors en bois sculptés. On croirait un musée dédié à l’art déco. Tout le mobilier est d’époque et les explications dans chaque pièce sont très intéressantes sur l’histoire du Portugal.
Je reprends mon vélo à contre cœur car j’aurais aimé parcourir le parc. Je continue en grimpant cette maudite colline toujours dans le brouillard vers le château de Maures. Il s’agit de fortifications construites par les arabes. Reconquis par les Portugais quelques siècles plus tard, le château a gardé de superbes remparts crénelés et tours de garde. Mais pour moi, pas de panorama à 360° sur le parc naturel de Sintra à cause des maudits nuages qui m’engluent aujourd’hui.
Je redescends quelque peu et m’arrête encore pour le troisième site : un monastère tout petit mais remarquable. L’ascétisme des moines qui vivaient là dans des chambres de 2 m sur 3 avec très peu de confort met en relief tout le confort dont je dispose pour mon voyage. Les pièces creusées à même la roche et le décor extérieur boisé forment un ensemble harmonieux. La croix du libre choix et de la liberté me rappelle combien ce voyage m’est précieux.
Je poursuis ma route vers la côte de Colares. La descente est sans doute le passage le plus dangereux de mon voyage (au delà du pont de St Nazaire). La route est goudronnée à la truelle et recouverte de branchages mouillés. Je ne desserre pas les freins pendant 5km, mais sorti des nuages, la vue est très jolie. On est dimanche et de nombreux vététistes m’accompagnent vers le cap de Roca. Là aussi la côte est très belle et le phare du cap Raso me rappelle un décor de Bretagne. Pour finir je roule le vent dans le dos sur la côte vers Lisbonne. Aujourd’hui seuls les surfeurs osent se mettre à l’eau. J’entre dans Lisbonne sans difficulté. Arrêt à la tour de Belem qui me dévoile déjà sa blancheur et ses façades sculptées. Malheureusement la pluie commence à tomber très fort et le contact que j’avais sur Lisbonne ne peut pas me recevoir ce soir. Ca sent le roussi…Je traverse la ville à la recherche d’une auberge pour cette nuit et troisième tuile : je glisse violemment sur un rail de tram avec ma roue avant . Je valse avec mon vélo, puis me rétame sur le macadam. J’avais évité la chute à Sintra et cette fois, c’est la belle pelle. Par chance, aucune voiture autour de moi, je ne me fais même pas mal (mon étoile continue de me protéger, je le sais désormais) et mon vélo est indemne. Ce qui m’a sauvé c’est de ne pas avoir bloqué mes cale-pieds, je roule toujours avec mes cales sauf ces 500 m là ! Bref je réalise ma chance et me pose 10 mn dans la gare de Santa Apolonia pour faire le point en attendant une éclaircie. Un jeune homme de 25 ans vient à ma rencontre, il s’appelle Nelson. En écoutant mon récit en anglais, il m’invite à dormir chez lui, enfin chez eux. Ils sont 7 en tout à vivre dans un immeuble abandonné du centre . Ils ont l’eau et l’électricité, mais squattent sans payer le moindre loyer. Ils m’expliquent que tout est trop cher et leurs emplois précaires ne leur permettent pas d’avoir un appartement. Tout l’argent est mis en commun pour les frais divers. C’est vraiment une ambiance sympathique mais attention ! il faut rester discret, surtout la nuit. La nuit est tombée et il m’emmène à Rossio au cœur de Lisbonne. Nelson a passé 5 ans en Australie et parle très bien anglais, son patron ne le paye plus depuis une semaine, alors demain il n’ira pas travailler et me propose de me servir de guide. J’accepte volontiers ! Je m’endors dans le couloir de ce lieu étrange au cœur de la ville. La journée se termine magnifiquement, demain il devrait faire un temps superbe pour visiter la ville.
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