Je m’arrache tant bien que mal de la maison. Un dernier regard en arrière pour écraser une larme nostalgique. Il ne me reste plus qu’à me convaincre que mon destin sera plus merveilleux encore demain. Dans leur élan de gentillesse et de prévenance sans limite, on m’a donné une adresse à Lisbonne pour passer une belle nuit et profiter au maximum de la ville. J’y serai demain après midi. On m’a également concocté un nouvel itinéraire dans le Sud afin de ne rien manquer des lieux traditionnels et des richesses infinies et intarissables de ce pays. Mais alors que je galère sur les petites routes aux pourcentages incroyables, c’est bien la richesse humaine de ce pays qui me torture. Je n’ai pas mal aux jambes, du moins je m’en fiche, j’ai mal à l’âme. La descente vers Caldas da Rainha m’offre une vue superbe sur la côte de Nazaré, j’avais besoin de ce panorama baigné de soleil pour me mettre à l’aise et me motiver pour repartir. A Caldas, je file tout droit, Aldy a raison, passons notre chemin il n’y a pas grand chose à voir. Par contre, cinq kilomètres plus loin à Obidos, un magnifique château médiéval m’attend. Pour monter je suis obligé de passer par le secteur pavé qui grimpe dur. Désormais je me suis fait une raison, je pose pied à terre pour pousser le vélo. Une fois l’enceinte des remparts franchie, je découvre de magnifiques tours carrées qui surplombent la ville fortifiée. A leurs sommets, la vue sur les toits oranges et les façades blanches est de toute beauté : une carte postale typique des villes du Sud baignées par le soleil. Sur le chemin de ronde, on peut découvrir toute la région. La mer, la lagune d’Obidos, jusqu'à Caldas et de l’autre côté les collines boisées qui m’attendent pour la suite du trajet. Englué dans un groupe de touristes allemands (ou peut être autrichiens) je prends conscience du caractère spécial de mon aventure : eux repartiront en bus sans se soucier de la descente. Un dernier regard sur le château et ses remparts, je décroche un sourire de satisfaction.
La journée s’annonce sous les meilleurs signes. Je ne sais pas si c’est le repos de ces derniers jours, la profusion de nourriture engloutie et le réconfort psychologique, mais aujourd’hui je suis prêt à tout affronter et ça tombe bien puisque le programme est chargé et le vent contraire…Pour commencer, je traverse des vignobles en coteaux pour atteindre Cadoval et un étrange parc bouddhiste construit par un riche propriétaire du coin. C’est complètement décalé par rapport à ce que j’ai pu voir dans la région. Des temples asiatiques, des statues immenses de bouddha dorées à feuilles d’or, statues en terre cuite, le tout dans un parc à la japonaise où serpentent des petits canaux au milieu des bambous. Un petit bout d’Asie au milieu du Portugal ! Vraiment surprenant, mais l’ambiance est calme et paisible. Dommage que la route m’appelle déjà, je pourrais rester ici une vie entière à me promener dans les allées. J’enfourche ma bicyclette en direction de Torres Vedras. Pour faire simple la route est très difficile : mauvais revêtement, fortes côtes et vent fort de face. Heureusement que le soleil est là pour m’offrir une lumière magique sur les forêts d’eucalyptus et les vignes qui commencent à prendre des belles couleurs d’automne. Je traverse rapidement Torres Vedras et m’arrête dans le petit village de Paùl pour manger. On sent l’influence de la mer, le vent souffle et bien abrité par l’église du village, je me régale des provisions données par Aldy, puis sombre dans une petite sieste. Je prends donc la direction de la côte. Alternance de dunes et de pointes rocheuses. Il y a partout des petits moulins à vent dont certains tournent encore.
C’est tout bonnement magnifique. La route est particulièrement escarpée, mais aujourd’hui rien ne m’arrête, pas même ses doubles chevrons à 16%. Dans la descente je bats mon record de vitesse 76 km/h ! C’est un peu du délire mais la route est large et bien droite. Je fais une petite pause à Ericeiras, station de bord de mer sur la côte ocre. Elle me dévoile ses façades blanches et ses petites criques ….C’est très joli !
En repartant, quelques gouttes font leur apparition. Ce maudit vent, non content de me freiner m’a rapporté de gros nuages noirs qui m’inquiètent pour la fin de l’après midi. Finalement rien de bien méchant et je peux atteindre Mafra un peu avant la nuit. Le centre est très beau et surtout la cathédrale et son monastère. Malheureusement la ville est trop grande pour passer la nuit. Au petit village suivant à Igreja Nova, les rencontres se succèdent pour me trouver un coin pour dormir. D’abord le vicaire qui n’a rien à me proposer, il m’oriente vers le président du club de foot qui va m’ouvrir la tribune du stade municipal. Finalement il contacte le maire qui me loge dans une salle de classe. Je passe une belle nuit au chaud au milieu des dessins d’enfants et de quelques affiches de l’histoire Portugaise. Au petit matin, je dépose les clés dans la boite à lettres du maire. Il y a un sac plastique sur lequel est écrit « bon voyage » A l’intérieur : un sandwich et des biscuits. Définitivement le Portugal est magique.
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