26 févr. 2010

Tirana



En me levant, je découvre que la tradition du petit déjeuner est passée outre l’Albanie. Ici on se contente d’un thé le matin, puis on mange en milieu de matinée. Alors je me contente d’une pomme. Nikolin et sa femme doivent partir travailler de bonne heure. Je leur emboite le pas pour démarrer ma route dés 7h45. Je sors de la ville déjà en ébullition et je m’engage sur une route toute nouvelle pour Tirana. Tellement nouvelle qu’elle n’est pas finie ! C’est sans doute pour cela qu’elle n’est pas sur ma carte. Au lieu de slalomer dans la plaine de village en village, je trace tout droit vers la capitale albanaise. Mais les tronçons bien propres et asphaltés laissent place à de véritables champs de bosses sur quelques centaines de mètres. Le scénario se reproduit tous les 4-5km. Les énormes camions traversent ces passages scabreux en se ballotant de droite à gauche comme des géants qui apprendraient à marcher. Mon fessier est soumis à rude épreuve. Au moins c’est tout plat et je peux même sentir un léger vent dans mon dos. Combien de temps que cela n’est plus arrivé ? Je ne m’en souviens pas, mais j’en profite pleinement. J’arrive à Tirana plus tôt que prévu, grâce à cette route toute rectiligne. Le trafic est démentiel et je suis sur mes gardes à chaque seconde pour éviter de me retrouver sous les roues d’un taxi ou d’un bus. J’ai parfois eu peur en Italie, ici je joue ma vie à chaque carrefour ! J’arrive en plein centre ville sur la place de la République. La grande mosquée est majestueuse et diffuse des sourates aux passants. Je me pose non loin pour manger. Au chant du muezzin, il me suffit de fermer les yeux pour me croire à Téhéran, Tabriz ou pourquoi pas Samarkande. Un rayon de soleil me chauffe la nuque. Je visite un peu le centre, j’aperçois la cathédrale orthodoxe, resplendissante avec son dôme doré. Le passé communiste est encore présent. Les plaques d’égout sont frappées de l’étoile, les bâtiments publics sont bâtis dans un pur style soviétique, immenses cubes de béton et statues massives en bronze à la gloire de je ne sais quel héros du peuple. Les avenues ont une rigueur toute militaire, la ville est un quadrillage parfait que seuls quelques parcs arrivent à distraire par leurs courbes en rondeur. Allez, je file plein sud vers Elbasan.
Tirana est placée au bout de la plaine et après, ce sont les montagnes qui occupent le terrain. Ma route parcourt encore quelques 15 km le long d’un cours d’eau, puis c’est un col terrible qui se présente : 20 km d’ascension pour atteindre le Qafe Thanès autrement dit le col de Thanès. La route s’élève dans une forêt de sapins avec des pourcentages qui m’obligent à mettre pied à terre pour pousser le vélo. Par endroits, elle passe dans des hameaux où les enfants me suivent en courant pour m’encourager. L’enthousiasme de ces enfants albanais est une vraie richesse pour ce pays qui n’a pas grand’chose d’autre. Leurs sourires sont mon carburant pour avancer, deux heures d’efforts ni plus, ni moins. J’ai bien fait de partir de bonne heure ce matin. Vient ensuite une descente incroyable m’offrant des panoramas uniques sur ces belles montagnes et sur la vallée d’Elbasan creusée par le fleuve Shkumbin. Que c’est beau ! En plus, je laisse derrière la crête les lourds nuages noirs qui m’avaient déversé quelques gouttes pour trouver ici un beau soleil qui met en valeur ces pentes vertes, ponctuées de quelques fermes et de lacs d’altitude. A l’entrée d’Elbasan, je demande de l’eau dans un restaurant et rencontre ainsi Lardi. Il me propose de dormir dans une chambre encore en travaux qu’il compte louer l’été prochain aux touristes de passage. En échange, je me paye un repas frugal dans le restaurant, car je dois toujours faire attention à mes finances. Je paie en euros et Lardi me rend un billet de la monnaie locale. D’après mes estimations, basées sur le litre de gaz oil, le change est correct. Belle nuit à l’abri alors que l’orage gronde et déverse des trombes d’eau sur la ville. Mon oreille me fait encore souffrir et me cause des maux der tête. Ma toux ne me lâche pas, j’espère que le temps sec va vite revenir demain matin.

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La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
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