18 nov. 2009

La haute montagne




Lorsque je reprends ma carte ce matin, je comprends que la journée va être physique alors je double ma ration au petit-déjeuner. Et ça démarre fort, 12km de montée pour quitter la côte vers cette route nommée Crestillana sur ma carte. D’entrée de jeu, avec les muscles bien froids, l’effort est sacrément violent. Mais plus je monte et plus la vue est belle. C’est dans cette montée que je comprends avoir fait le bon choix. En arrivant en haut, les pics à plus de 1000m m’entourent et la vue tout en bas sur les gorges me donne le vertige. En face, la montagne est superbe, il y a un petit village accroché sur la crête dont on se demande comment il fait pour ne pas basculer dans la pente. J’inspecte ma carte, pas de doutes, c’est Gaucin et c’est là que je vais ! Ma route commence donc par descendre tout au fond à 300m d’altitude, 8km d’épingles et tout l’attirail de la route de haute montagne. En bas, je traverse le mince filet d’eau et là démarrent les choses sérieuses. 15km d’un col dont les pourcentages m’échappent, mais certaines épingles se montent à 7km/h. Globalement ma vitesse ne dépasse jamais les 11km/h. Certaines pentes sont si raides que je dois mettre pied à terre et pousser ma bicyclette. Ensuite il faut repartir et les mollets sont durs, à la limite de la crampe à plusieurs reprises. Et cette pente qui semble ne jamais finir, qui semble toujours plus raide de mètre en mètre. Heureusement la vue depuis ce versant vaut largement celle que je pouvais admirer d’en face ce matin. Et, sans trop savoir comment, ni vraiment réaliser l’exploit dont il s’agit, j’en viendrai à bout et j’attendrai Gaucin, balcon de la Serillana. Quel bonheur ! Mais la route n’a pas fini de me lessiver, Gaucin n’est pas le sommet ! Derrière cette crête, la route continue de monter pendant encore 8km. Mais là le décor est à couper le souffle : de la vraie haute montagne, des pics un peu partout donc les pentes rocheuses aux sommets se verdissent dans les vallées. L’automne a fait son effet et les forêts sont piquetées de tâches jaunes et rouges qui prennent des reflets dorés sous ce soleil qui m’accable. Je ne sais pas si les photos rendront bien les paysages, mais je les garde au fond de mon cœur, car jamais je n’ai reçu une si belle récompense pour les efforts fournis. Je suis éreinté mais tout cela en valait vraiment la peine. Je pourrais m’arrêter tous les 20m pour prendre une photo d’exception. J’essaie de sélectionner les meilleurs points de vue et imprime les autres dans un coin de ma mémoire. A Atajate, je suis quasiment au sommet. J’en profite pour manger et me reposer à l’ombre des orangers. Pas un bruit dans ce petit village de montagne. C’est comme un sentiment de bout du monde. Et s’il était mon Gibraltar, mon point symbolique et magique, au sommet de ce col, point culminant de mon périple : 1092m. Je franchis le col après encore quelques efforts et laisse derrière moi cette Sierra magique qui ne se laisse pas facilement approcher, mais dont les trésors sont inestimables… Je redescends vers Ronda, au milieu des oliviers. Le paysage s’aplatit de plus en plus et je savoure cette belle et longue descente. Ronda est une très belle cité construite de part et d’autre d’une gorge très profonde. Les ponts construits ici valent sacrément le coup d’œil. L’architecture du couvent et des arènes est également remarquable. J’y rencontre un couple de Danois qui m’invite chez eux pour cet été, je garde précieusement leurs coordonnées. Je m’échappe de cette cité étonnante et affronte mes dernières pentes de la journée. A Cuevas del Becerro, je trouve un point internet, mais pas vraiment d’endroit pour dormir. La nuit tombe. Il n’y a pas vraiment de responsable à la mairie et les autochtones ne sont pas disposés à m’héberger. On me conseille quand même d’aller voir à la gendarmerie locale. Et bingo ! En trois coups de téléphone, l’adjudant de la Guardia m’installe dans le garage des véhicules de la commune. Il y a même des toilettes et c’est très propre. Une des personnes qu’il a contactées m’apporte à manger et me donne 5€. Je suis toujours un peu gêné quand on m’offre de l’argent mais je ne vais pas cracher dans la soupe, j’empoche le billet sans broncher. Finalement cette petite ville qui m’est apparue très froide au premier abord est pleine de bonnes âmes. A la sortie de l’église tout le monde vient me voir pour savoir si j’ai finalement trouvé où dormir, certains étant même prêts à me payer une nuit d’hôtel…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
Nombre de visites : compteur pour blog