23 avr. 2010

Déjà l’Estonie

J’avale un petit déjeuner gargantuesque à base de fromage et de charcuterie. Les parents ont quitté la maison et les enfants dorment encore. Je suis seul et je profite de la chaleur du foyer. Dehors, le temps est tout gris et lorsque je trouve la motivation pour m’arracher de cette bulle de confort, il se met à neiger ! Je pensais en avoir fini avec cette satanée neige et voilà qu’elle vient me hanter en cette fin avril. Je suis de mauvaise humeur car cet incident météorologique me rappelle que je me dirige vers l’extrême nord. L’incertitude plane, c’est à la fois terrifiant et excitant. On touche là à l’essence même de l’aventure. Aller vers l’incertain et y confronter ses limites. Finalement la neige passe et je peux rouler à peu près sereinement vers la frontière. Vingt kilomètres sans grand intérêt. Au poste frontière, je suis surpris de retrouver des douaniers qui contrôlent chaque véhicule. On inspecte mon passeport et l’on me laisse passer sans problème. Je suis toujours sur cette immense route toute droite mais elle est désormais complètement déserte depuis la frontière. Ce n’en est que plus monotone et désespérant. Pas même un village à traverser, je ne trouve que la forêt de bouleaux sur des dizaines de kilomètres. Je décide de prendre une petite route parallèle pour voir si je peux trouver une plus grande diversité. Je m’écarte de Sometsa mais la route n’est plus goudronnée et se transforme en un large chemin carrossable. Typiquement le genre de paysage que l’on peut voir sur le rallye de Finlande. Je décide de continuer car ça reste roulant et j’apprécie de parcourir ce chemin à faible vitesse. Je mange un morceau en bord de chemin puis rejoins la grande route peu avant Parnù. Je n’en suis pas mécontent car la piste commençait à me faire mal aux avants bras. Le vent s’est levé et je l’aurai de face pour arriver jusqu’à la ville. Ce sera vingt kilomètres vraiment difficiles d’autant que ma motivation décroît au fil des kilomètres parcourus. Je prends une longue pause au centre ville pour profiter des belles églises et des parcs parfaitement entretenus. J’ai l’impression que l’Estonie est davantage tournée vers la Scandinavie que vers ses voisins du sud. Cela se retrouve dans l’architecture du centre piétonnier où les façades sont strictes, rigoureuses et pour tout dire, un peu froides. Je reprends la route assez tard et suis une peu déçu de découvrir qu’il n’y a que très peu de villages. Je suis un peu piégé et je me retrouve obligé de continuer au delà des cent kilomètres encore aujourd’hui.
J’atteins finalement Are et le jour décline lentement Je vais voir à l’épicerie, le seul lieu public du minuscule village. J’y rencontre Villu, un jeune homme tout à fait sympathique qui m’invite chez lui sans hésiter. Il est accompagné de son gros saint Bernard, Kira. Nous parcourons les champs pour atteindre sa maison un peu à l’écart du village. Je ne le sais pas encore mais ici je vais passer des moments inoubliables. Villu me présente sa maison et la décoration qu’il a bricolée lui-même. C’est charmant et éclatant de couleurs vives. Je suis conquis. Ce soir, il est invité à un anniversaire alors il s’arrange avec ses amis pour me faire inviter également. Nous parlons en anglais, tous les jeunes parlent couramment anglais dans ce pays. C’est un bagage indispensable pour aller travailler dans l’eldorado tout proche que représente la Scandinavie. Ce que Villu s’est bien caché de me dire dans un premier temps, c’est qu’il s’agit d’une soirée déguisée. Me voilà donc obligé d’enfiler un costume de marin ! Nous partons vers cette soirée qui s’annonce déjà complètement délurée. Elle se déroule dans une ferme à 20 km de là et j’y rencontre des gens fabuleux, intéressants, heureux de la vie dans leur campagne estonienne. Il y a Chrita, John, Sven, Marek et tous les autres. L’ambiance est géniale et les amuses bouches sont à tomber par terre. De délicieux poissons marinés et des petites pâtisseries traditionnelles, c’est un régal. Nous discutons longuement, de tout et de rien, de la vie ici et en France, de la musique, des films…Tout le monde m’intègre dans le groupe comme si j’étais un ami de longue date et ça me fait chaud au cœur. La vodka et la bière aident à délier les langues et à partager des moments de rare convivialité. Je suis sur un petit nuage, un peu « pompette » quand même. Nous rentrons à minuit passé et je décide de prendre un jour de repos demain, je suis beaucoup trop fatigué. De toute manière, j’ai accepté l’invitation à retourner à la ferme demain pour partager avec mes nouveaux amis, mon premier sauna !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
Nombre de visites : compteur pour blog