27 févr. 2010

Hou ! Le tricheur


Bon, ce matin il ne pleut pas, mais les nuages semblent de plus en plus noirs à l’horizon. Je traverse Elbasan en vitesse (pas grand chose à visiter ici) et continue plein est dans la vallée du Shkumbin. Sur la carte, la route longe le fleuve, mais en réalité elle ne fait qu’aller et venir entre le cours d’eau et les montagnes. Dans ces gorges serrées elle monte sec sur de courtes distances pour redescendre aussi sec vers le fond. Ce schéma est épuisant pour les jambes et le moral. Après 25km il se met en plus à pleuvoir et je trouve refuge dans un café où l’on me paye un thé chaud en attendant la fin de l’averse. Je découvre aux informations télévisées que la région de Shkoder a encore vu le niveau des eaux monter avec les pluies de ces dernières heures. J’ai une pensée forte pour les gens de là-bas..Comment puis je me plaindre de mon sort ? A 10h30 la pluie cesse par une belle éclaircie et je file vers Librazhd sur cette route qui m’épuise. Je pense que ma maladie lancinante me pompe également de l’énergie. Vers midi, je suis à Qukës où je mange quelques kilomètres en aval d’un col qui va m’achever. Il y a 7km à monter et les pourcentages ne sont pas indiqués, mais ça dépasse assurément les 10% et très régulièrement. La moyenne doit tourner aux alentours de 8-9%. Je monte 1,5km avant de me rendre compte que je suis épuisé. Je sens des crampes dans mes deux mollets et j’ai comme une sensation de fringale alors que je viens de manger. Le bruit des camions qui me doublent me donne un mal de tête insupportable... Je ne suis pas en grande forme, la maladie me ronge. Alors que je suis souffre en poussant mon vélo, un taxi-bus se présente derrière moi. Je l’arrête et lui demande si je peux embarquer mon vélo. Pas de problème ! Il n’y a jamais rien de problématique en Albanie. Dans un pays où les problèmes sont partout, le meilleur remède reste un optimisme aveugle. Où puis-je aller avec 500 ( ? monnaie albanaise) ? C’est ce qu’il me reste de monnaie du repas d’hier. De toute façon qu’aurais-je fait de cet argent ? Je peux t’emmener à Maliq, me répond le taxi en pointant la ville sur ma carte. Banco, c’est encore plus loin que là où je comptais arriver ce soir. Nous montons donc ce col terrible pour avoir une belle vue sur les montagnes que je viens de traverser. Puis nous redescendons sur le lac superbe de Ohrit. Sur la rive d’en face, c’est la Grèce ou la Macédoine selon que l’on porte son regard plus au nord ou plus au sud. Le lac est immense mais enfermé de toutes parts par de solides chaines montagneuses dont certains pics sont bien enneigés. Nous passons par Pogradec, belle cité bouillonnante construite au bord du lac, puis nous remontons la montagne pour nous extraire de ce trou occupé par les eaux. Rebelote, rien qu’à voir la galère qu’éprouvent ces énormes camions à monter, je n’aurais pas donné cher de ma peau sur ces pentes cruelles. Mais en taxi-bus, ça fait du bien ! Au sommet, encore une vue magnifique sur le lac qui scintille au soleil. Mais derrière la vitre, le paysage n’a pas la même saveur. Après une brève descente, nous arrivons sur le plateau de Korçe, étrange étendue plane au milieu de ces montagnes. Le chauffeur me laisse à Maliq et me souhaite bonne route pour la suite. J’ai profité du trajet pour me soigner et pour manger. Ca va un peu mieux et comme la route est plate, je décide de continuer vers Korçe (13 km), à vélo cette fois ! J’entre dans la ville et découvre la belle cathédrale orthodoxe dont je loue les proportions parfaites. Elle date de 1992 et symbolise le renouveau de la liberté de culte dans un pays où toute religion était encore bannie jusqu’en 1991. Dans un parc non loin, je rencontre Nicoletta et Agin, deux habitants du quartier. Leur fille étudie actuellement à Caen et après un coup de télé »phone pour traduire mon récit, ils m’accueillent pour passer la nuit chez eux. Le repas au coin du poêle à bois est d’une diversité folle. On me prépare toutes les spécialités albanaises, diverses salades avec tomates vertes aigre-douces, produits laitiers, poulet et riz gratiné au four etc…Nous sortons ensuite pour une ballade nocturne dans les rues de la ville, puis je vais me coucher dans le canapé douillet du salon. Je ne regrette pas mon entorse à mes principes, preuve en est que c’était la bonne solution. Je préfère dépenser mon argent dans ce pays qui en a vraiment besoin plutôt que dans d’autres où l’on ne manque de rien.

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La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
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