Avec un peu de retard je vais enfin pouvoir vous décrire mes 9 premières étapes qui m'ont permis de traverser la France de Belfort à Rennes.
Le départ est un peu tendu je dois déjà changer l'itinéraire prévu dès le pas de la porte pour éviter les travaux dans Belfort. Papa et Maman me conduisent jusqu'à la sortie de la ville un dernier signe de la main hésitant aux parents et me voilà lancé pour un an sur les routes d'Europe. Le rodage est perturbant, appréhender la maniabilité du vélo chargé à bloc n'est pas une mince affaire. Morvillars, la première descente me conduit à plus de 60km/h sans donner le moindre coup de pédale, je vais bouffer du patin de frein !
Les routes défilent et les noms des villages traversés me sont de plus en plus inconnus. A midi je croise une première église à tuiles vernissées, le plateau des mille étangs se dessine devant moi et je plonge dans un mélange d'allégresse et d'angoisse. Les kms défilent et mes mollets encore frêles souffrent des premières pentes. A 16h et 85km je décide de rejoindre le prochain village et de hercher un coin pour la nuit. Une soirée royale m'attend déjà : douche, repas (franc-comtois svp),et emplacement pour ma tente, les gens d'Aboncourt me réservent le meilleur égard. Je repars au petit matin avec un bon petit-déjeuner un casse-croûte et quelques fruits pour midi.
L'Ouest franc-comtois est beaucoup plus escarpé et dés le départ je sens que la journée va être longue. Le brouillard qui se lève petit à petit sur les patures m'offre une lumière magique sur la campagne et je profite à plein de la beauté du paysage. J'entre en Bourgogne avant midi, l'objectif est de couvrir la plus longue distance possible ce matin pour éviter d'avoir à rouler sous les fortes chaleurs. A 13h j'ai finalement couvert une bonne partie de mon étape du jour et je m'autorise une sieste bien méritée pendant deux bonnes heures. La route me réserve de bonnes surprises et je trouve des prunes dans un village. Je repars les sacoches pleines. Plus loin un buisson plein de maudites prumelles me force à une nouvelle pause, les derniers km de la journée tardent à être couverts. A 17h j'atteins Auberive et à la vue de la côte pour sortir du village je décide de m'arrêter là. Le temps de me reposer un peu derrière l'église, je pris d'une soudaine nausée. Maudites baies sauvages. Je dégurgite mes boyaux pendant plus d'une heure et je n'ai plus vraiment la force de chercher un abri. La pelouse de l'église paraît touffue, le coin est o ne peut plus calme. Je passe la nuit ici sans manger mon repas du soir.
Au petit matin, je suis rétabli, la vidange a été efficace. Je crève de faim et je n'ai aucun mal à ingurgiter mon dîner et mon petit-déjeuner d'affilé. Des victuailles bien nécessaires car le profil de l'étape du jour est pour le moins escarpé. Côtes et descentes s'enchaînent à un rythme infernal. Pas le moindre km de plat pour se détendre les muscles. Mais les vallons valent vraiment le coup d'œil, les paysages se sont métamorphosés et les coteaux (coteaux et cotes sont bien étymologiquement liés, je m'en souviendrai) bourguignons brillent d'un éclat vert doré sous le soleil rasant. La route est ponctuée de quelques jolis villages ruraux où les églises 11è 12è siècles sont remarquablement préservées. La guerre a quand même épargné quelques clochers. Par contre mon entrée dans l'Yonne est plutôt laborieuse. Les panneaux sont des biens précieux tellement ils se font rares sur ces petites routes et je dois sortir la boussole à chaque carrefour pour savoir où me diriger. La direction reste inchangée : plein Ouest. La monotonie des coteaux (et donc des cotes) commence à se faire sentir lorsque j'arrive du côté Cruzy-le-Chatel, petit bourg médiéval à l'écart des grandes routes, une oasis de belles pierres au milieu des vignes de Chablis à perte de vue. Je ne pose même pas la question et décide de m'arrêter là pour la nuit. Le contact avec les agriculteurs du coin est bref mais efficace. On me désigne une belle grange où je peux m'installer à l'abri pour la nuit. Une fois le camp monté et le repas englouti, je rencontre Thierry, éleveur de son état qui m'explique les galères de son métier et les difficultés grandissantes à produire selon les normes européennes. Ce soir il finit a jounée à 21h à la nuit tombée et ce n'est tous les jours comme ça. Malgré ça, il gagne à peine de quoi nourrir sa famille. Triste destin d'être lié à une terre pense-je soudain et c'est encore une fois un bonheur décuplé que je m'endors au tintement du clocher du village.
Le temps de plier mes affaires et de prendre mon petit-déjeuner décroît de jour en jour, les routines se mettent en place et le rangement des sacoches est de plus en plus organisé. Aujourd'hui la route reste particulièrement accidentée mais je sens mes mollets de plus en plus aptes à relever les défis quotidiens. Au sommet d'une belle côte, je croise Jack, un cyclo anglais qui rallie Manchester à Bâle où pour aire la surprise à son frère. On compare nos parcours et nos équipement, il roule beaucoup plus léger que moi et pas moins de 120km par jour !! (Ca me paraît dément à ce moment du parcours mais 15 jours plus tard au moment où j'écris ces lignes, ma réaction me fait sourire puisque je viens d'aligner 3x120km)
La journée se passe sans encombres et les km défilent assez rapidement m'autorisant une rallonge... de ma sieste quotidienne ! C'est devenu une habitude et je ne pourrai plus m'en passer. Les levers à 6h30 et les départs à 8h00 se font sentir aux heures les plus chaudes...
Une voix me réveille et me demande si tout va bien, une gentille dame était prête à appeler les pompiers croyant que je faisais un malaise ! Non, non, je fais juste la sieste. Ca casse un peu le mythe du grand sportif voyageur qui tire ses sacoches sur des milliers de km ! Après la description de mon projet, elle m'offre des pêches et c'est un super goûter que je peux m'offrir. La soirée sera d'abord moins marrante, Aillant-sur-Tholon, je me fais jeter par tout un quartier. L'évadé de la prison d'Auxerre n'est pas innocent à ces réactions. J'ai d'ailleurs croisé plusieurs fourgonnettes de gendarmes organisant des battues dans les bois. Je me rabat donc sur le cimetière pour faire ma toilette. On me dirige alors vers l'abbaye de l'ermitage au sommet de la ville. Le lieu est juste paradisiaque. Une chapelle au sommet d'une colline qui surplombe le bourg d'un côté, les vignobles de l'autre. Il y a même un point d'eau. Je prends mon repas au soleil couchant et installe mon campement sous le porche de l'abbaye.
La journée suivante m'offre une belle transition, les plaines de la Beauce se dessinent enfin le vent de Nord-Est me pousse à des moyennes folles. Paradoxalement ça sera la journée où je réaliserai mon plus bas maximum de vitesse. Le pays est incroyablement monotone, les routes sont droites comme des i (mêmes les petites) et les champs de maïs succèdent aux champs en jachère. Je rallonge un peu mon parcours initial, le beau temps pourrait ne pas durer. Je raccourci même ma sieste c'est dire si je suis motivé à traverser ce désert. Ce soir là, le maire me donnera accès au stade de foot, à ses vestiaires pour la douche et à sa tribune pour la nuit à couvert. Je le croise en partant le lendemain, il m'amène un chausson aux pommes ! Miam !
L'objectif du jour, dépasser Orléans pour enfin rejoindre la Loire qui me mènera presque jusqu'à destination. Pour être honnête, je n'ai pas pris de notes sur cette journée et je ne souviens pas de grand chose sinon que j'ai le tendon d'achille droit qui siffle un peu. A regarder la carte en détails, pas grand chose d'intéressant à signaler, je roule. Une pelouse privée m'attends à Patay, pas plus d'échanges avec le couple qui vit ici. De toutes façons, la fatigue s'accumule, une bonne nuit de sommeil s'impose.
Le lendemain est également des plus classiques, je passe quelques jolies localités baignées par le soleil de Septembre qui n'en finit plus de me chauffer le cou chaque matin. Bellegarde et son château me font de l'oeil pour la sieste quotidienne. Je roule jusque Courtalain où je passerai la nuit sous la tribune du stade municipal. Les tribunes de stade sont souvent des endroits sympa pour passer la nuit : un coin calme, inoccupé la nuit, abrité, non sujet à la rosée matinale, quelques fois avec un point d'eau... Le paradis du cyclo-campeur ! Je me fais expert en tribunes. Il faut juste faire attention à l'endroit où l'on se place, la rosée condense sur toit et à tendance à goutter au petit matin ! (C'est du vécu)
J'ai examiné mes cartes et en roulant bien avec le beau temps et le vent de 3/4 arrière, je peux arriver à Rennes avec un jour d'avance. Je force l'allure pour me rapprocher le plus possible du Mans, mon tendon s'est calmé dès lors que j'ai décidé de mouliner un peu plus dans les cotes. Surtout que l'étape du jour ne présente que très peu de cotes ! Arrivé à Soulitré, j'en ai plein les pédales et le terrain de loisirs municipale fait de l'œil pour passer la nuit. Des enfants débarquent et un match de foot s'improvise. Je suis la star un hat-trick en 5 min ! Voilà comment on joue du côté de Sochaux ;o)
L'un des enfants est le fils du maire et 10minutes après qu'il doive rentrer chez lui, Didier, maire de la commune, m'invite à planter ma ente dans sa pelouse, puis finalement à dormir au chaud, je serai également nourri (gavé au rillettes et fromages du pays même) et lavé ! Ce soir c'est royal ! La soirée passe à échanger des dernières nouvelles politiques. Il faut dire que Didier et Nathalie en connaissent un rayon sur ce qui est des valeurs et du combat au quotidien. Il règne dans la maison une ambiance joviale, de bons-vivants et de partage. Ces valeurs me font chaud a coeur alors que je suis un peu tributaire de ce genre d'allants de sympathie. Une bien belle rencontre que je ne manquerai pas de raviver une fois le voyage bouclé !
Petit-déjeuner avalé, je repars sous un temps maussade, pourvu que ça se lève dans la matinée. Mais non, cette fois, j'y passe la pluie se met à tomber de plus en plus fort alors que je traverse le centre du Mans. Je m'abrite tant bien que mal sous un parking à vélo le temps que l'averse passe. Le centre du Mans est vraiment joli mais cette pluie inhabituelle pour moi me perturbe ans mes plans. Heureusement le mauvais temps est de courte durée et le soleil refait vite son apparition. Je continue donc en direction de Laval. Visite de la cité médiévale de Ste-Suzanne dont la beauté me fait oublier les efforts consentis pour atteindre le sommet du village. Suit ensuite des routes en montagnes russes jusque Montsurs en Mayenne. Le bourg en pierres et les toits en ardoises respirent un peu la Bretagne. Si tout va bien demain je serai à destination ! C'est une idée qui me ravit et me remue un peu. Traverser la France d'Est en Ouest en à peine plus d'une semaine, je prends conscience que le rêve du tour d'Europe est bien accessible. C'est encore une victoire et une assurance supplémentaire. Craignant le rosée je plante la tente derrière l'école comme me l'a conseillé le maire. Au petit matin tout est trempé, de rosée !
Allez ! Dernière étape avant 4 jours de repos bien mérités ! J'enroule les gros braquets comme si la route était plate. Je relance dans chaque cotes avec l'espoir d'arriver à Chateaugiron pour le repas de midi. La première pause sera l'occasion de rapidement faire sécher mes affaires. La seconde sera le temps d'apprécier d'entrer en Bretagne : Le Pertre, une cote de 2.5km pour arriver sur la place de l'église, frontière entre Mayenne et Ile-et-Vilaine. C'est jour de marché, l'odeur des galettes saucisses me chatouille les narines. Je ne résiste pas et fête dignement mon entrée en Bretagne. Il me reste35km pour arriver à destination, je roule sans compter les efforts alors que la route devient un peu plus plate. Enfin le premier panneau Chateaugiron 16km. J'explose ma moyenne et rajoute des dents à dents faux plats. 12h45 arrivée chez mon oncle et ma ante, mission accomplie. Philippe m'ouvre la porte, ma cousine arrive quelques minutes plus tard. Je me régale du repas de midi et de l'idée du chemin déjà parcouru ! Il me faudra quand même une bonne douche chaude et une longue sieste pour récupérer de mes efforts de la journée mais dans un canapé bien moëlleux ça n'a pas de prix après avoir dormi tous les midis sur un banc au mieux en bois, au pire en pierres !
Les jours qui suivent sont l'occasion de fêter l'anniversaire de ma petite Mamie, de revoir toutes la famille, de peaufiner mon équipement et de refaire le plein de gras avant de repartir. Un week-end ressourçant auprès de ceux qui me manque déjà un peu avant même de les quitter... Mais place au présent, l'ambiance est euphorique et chaleureuse. Je profite de chaque instant.
Deuxième départ Mardi matin, le "vrai" cette fois ! Je ne reverrai plus mes parents ni ma soeur avant Noël... C'est une étape de plus mais la boule a du mal à passer dans les premiers km. Ce week-end s'est déroulé comme si je n'était jamais parti. La liberté et l'aventure sont à ce prix, j'accepte de le payer mais je me sens coupable de l'infliger à mes proches.
"Voyager c'est s'attacher et s'arracher." Nicolas Bouvier.
Voilà qui clos mes aventures pour l'instant, désolé pour le retard de publication ! Mais c'est long à taper tout ça. Une fois sorti de France mes accès à interne seront sans doutes plus ponctuels et tarifés alors attendez vous à des messages plus banals et laconiques. Mais rassurez vous le récit complet viendra se greffer au moment voulu !
Je vous embrasse tous !
Aymeric.

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