11 oct. 2009

Tonnay-Charente --> Toulouse


Bonjour à tous,
je me décide enfin à me mettre à l'ouvrage pour publier les dernières nouvelles de mon trajet entre Rochefort et Toulouse, quatre étapes convaincantes qui me rendent l'impression d'une douce transition vers un inconnu désormais à portée de roue.

Une fois n'est pas coutume je vais démarrer par la fin. Ici, à Toulouse, l'accueil a été d'une simplicité tellement généreuse et chaleureuse qu'il m'a été difficile de m'atteler à enfin travailler un peu pour donner des nouvelles (il y a bien des corvées plus pénibles je vous l'accorde !). Les journées et les soirées m'ont fait replonger 4 ans en arrière lors de nos fêtes étudiantes où camaraderie, humour et alcool côtoient sincérité, générosité et confiance inconditionnée en l'autre. Une nostalgie irréfrénable m'envahit mais tellement délicieuse que pour cette fois je la laisse s'introduire insidieusement dans mon voyage sans penser prématurément aux aux revoir. Voyager, s'attacher, s'arracher. Encore et encore. Peut-être que je m'arrête trop longtemps et succombe ainsi trop profondément aux sirènes du confort et des attaches sentimentales. Après ces deux dernières pauses formidables à Rochefort et Toulouse en à peine 10 jours, il est temps que je m'arrache une bonne dernière fois et finissent par clore ces allers venues trop nombreuses entre solitaire endurci et éponge sentimentale, que le cocon s'ouvre enfin sur mon destin à venir de voyageur au long cours... Mais comment partir en tirant un trait sur toute l'empathie formidable que j'ai reçu chez parents et amis, chez ceux qui comptent plus que tout autre dans ma vie et qui me prouvent de gestes on ne peut plus simples et de sourires protecteurs, combien ils m'aiment et combien ils ont confiance en mes choix.
Sachez, amis, parents, qu'il n'y a pas un jour sur la route où je ne pense pas à vous, qu'il n'y a pas un matin où je ne me lève sans me sentir coupable de vous causer du souci, que je ne me couche pas un soir sans me promettre de vous revenir plus vrai, plus authentique que jamais.

Mais revenons au commencement, Dimanche matin, 9h00, un dernier signe de la main à la famille et je m'évade de Tonnay-Charente en compagnie de Dédé, petit lutin d'1m60 qui ne protège pas vraiment du vent mais me guide pour rejoindre Saint-Savinien. Rouler à deux est toujours un vrai plaisir pour moi, les kilomètres défilent au gré des conversations diverses et déjà Saint-Savinien se dessine au bout du chemin. Je quitte déjà mon poisson pilote et me lance seul à travers les routes charentaises. Durant la matinée je croise un nombre impressionnant de cyclistes, pas de doutes, nous sommes dimanche ! Je parlais de transition au début de ce message et notamment à propos du vent, pour cette fois je ne le sens plus sur ma roue arrière mais bien de face. Les décors sont aussi radicalement différents de ce que j'ai connu les jours précédents, les terres ont pris la place de l'océan à ma droite et les premiers vallons couverts de coteaux délimitent maintenant mon horizon. A midi, je les ai rejoints et mon grand compagnon de route, le soleil, timide jusque là se montre finalement et me chauffe les cuisses. Comme chaque fois, après une pause de quelques jours, la reprise est assez difficile et les premières pentes me rappellent rapidement que j'emporte 4 kilos de nourriture supplémentaires et que mes pneus sont neufs. J'attribue à ce changement de gommes une grande partie de mes difficultés de la journée, j'avais lu sur internet que ces nouveaux pneus ultra-résistants nécessitaient néanmoins un petit rodage durant lequel le grip sur l'asphalte vous donne l'impression de grimper un col pyrénéen à chaque faux plat. Le petit plateau me sera d'un grand secours. Mais peu importe les effort, les collines à gravir puisqu'au sommet de chacune d'elle, je découvre un point de vue magnifique sur tous le vignoble charentais. Pineaux et Cognac se distribuent à chaque domaine mais sous cette chaleur, je préfère me contenter de l'eau de mes gourdes que je consomme sans modération. A Ségonzac, les panoramas sont superbes et il me faut toute ma concentration pour réaliser que je suis bien en Charentes et non sur la route des vins d'Alsace ! Concentration que je n'utilise pas à suivre précautionneusement mon itinéraire, un détour de 20km en prime mais d'une telle richesse de paysages que ma bonne humeur n'est pas entravée. De toutes façons, il y a bien longtemps que j'ai oublié ma vitesse moyenne pour l'étape d'aujourd'hui et désormais je roule davantage au rythme de la beauté de la route plus qu'à celle dictée par une stupide machine compteuse de tours de roue. Et c'est là aussi une transition dans mon voyage... 17h, Barbezieur-St-Hilaire et son superbe château, fermé aux visites le dimanche (dommage), qui domine les coteaux. Le décor est trop beau pour que je ne trouve la force de m'échapper ailleurs. La côte pour grimper ici m'a littéralement terrassé. Le bourg est assez grand, ce qui a tendance à me rebuter pour poser mon camp, mais ici la vie paraît tellement paisible au soleil couchant... Je trouve un abri 4 étoiles derrière le bâtiment de l'office du tourisme, vue sur la vallée et le parc du château...

La nuit sera paisible mais au petit matin, la pluie fait sont apparition, quelques gouttes qui me réveillent et suffisent à me motiver à ne pas laisser trainer mon vélo. Je me lève et en moins de 7min tout mon équipement est replié, empaqueté, abrité. Quand je repense qu'il m'a fallu pas loin de trois quarts d'heures le premier jour pour la même opération, je réalise que la progression dans ce domaine n'a pas de limites. A 7h30, il ne pleut déjà plus et la météo, bien que couverte et un peu humide ne me réservera pas de mauvais coups pour aujourd'hui, tout au plus quelques gouttes éparses comme une petite préparation vers les jours de mauvais temps qui pourraient bien arriver. Une douce transition en quelques sortes... Le vent par contre est violent et de pleine face dans la première heure, pas de chance c'est aussi la seule grande route de la journée que je doive emprunter. Je rame sévère pour boucler les 20 premiers kilomètres. Ensuite quelques averses le font chuter et à 13h, le soleil perce un peu et chassera définitivement le moindre souffle. En attendant, je n'avance pas très vite et en plus c'est jour de marché à Chalais, ce qui m'oblige à poser pied à terre pour traverser la ville. En sortant du bourg, je rattrape une jeune fille de 25ans qui pédale sur un vieux vélo aux sacoches pleines de provisions. Les cotes sont assez raides mais ses mollets doivent l'être également et je dois cravacher pour revenir à sa hauteur. La route est minuscule et nous pouvons discuter un peu sans être dérangé par le trafic. Ces 10km seront vraiment sympa à discuter des spécialités culinaires du coin : je suis entré dans le Périgord et son petit accent chantant me fait réaliser ce dont je n'avais pas pris conscience : Je suis dans le Sud !
Saint-Aulay, Echourgnac, Mussidan puis Bergerac (dans une moindre mesure), autant de villes traversées aujourd'hui et qui me dévoilent leur patrimoine médiéval splendide. Eglises, bastides, remparts, maisons à colombages, etc. J'apprécie au plus haut point ces décors que je n'ai pas l'habitude de côtoyer. Une fois la (trop) grande Bergerac traversée, je sens qu'il est temps de trouver un endroit pour me poser. A St-Nexans, toutes les conditions à une bonne nuit me parassent réunies, je me dirige vers la mairie qui m'accorde de m'abriter sous le préau de l'école pour la nuit. Un brin de toilette au niveau du cimetière, un repas dense mais rapidement expédié et je m'endors profondément à l'abri du vent qui se lève et soufflera toute la nuit.

Je me lève un peu plus tôt qu'à l'accoutumée car je préfère quitter les lieux avant que le personnel de l'école n'arrive. Je prends mon petit déjeuner devant l'église en regardant le soleil se lever, le vent souffle toujours et visiblement dans la mauvaise direction, ça promet d'être une dure journée. Ce ne sera pas démenti, sans doutes la plus dure que mes jambes aient eu à subir. La route ne fait que monter et descendre continuellement sur une centaine de kilomètres, les routes relient des villages construits au sommets de pics rocheux délimités par des rivières encaissées dans des sortes de mini gorges pentues comme des clochers. Le soleil chauffe fort et le vent ne faiblit pas. Les localités traversées sont superbes et les bastides magnifiques. Arrivé à Issigeac, Villeréal, Monflanquin, Tournon d'Agenais et Montaigu de Quercy, la route monte pour arriver dans le bourg, la bastide est alors 500m au-dessus de vous mais la petite rue pour l'atteindre grimpe à 10% à chaque fois. Pourtant pas une fois je n'ai regretté ce dernier effort destructeur pour mes mollets tellement le spectacle au sommet était extraordinaire. Des panoramas quasi irréels sur la campagne du Lot-et-Garonne et des édifices splendides, architectures, fresques, vitraux chacune des bastides avait sa personnalité propre et toutes étaient dans un état de conservation magnifique. Mais sachez que des noms comme Monflanquin et Montaigu n'ont pas été choisis au hasard ! Ca monte, c'est à flanc, et c'est aigu ! Bon à Tournon, c'est tout droit mais passons...
Quoi qu'il en soit, les efforts accumulés commencent à me peser sur le moral, je veux à tout prix atteindre Lauzerte pour ce soir afin de profiter au maximum de vie toulousaine dès demain soir. Pourtant à 6km du point de chute dont probablement 4km de montée, je ne peux plus avancer, la route et la chaleur m'ont usé, je suis vidé. Dans ces cas là, je m'arrête 20, 30, 45 minutes puis repars gentiment en moulinant mais aujourd'hui j'ai trop tiré sur l'élastique, les batteries ne se rechargent plus. J'examine ma carte pendant une demi-heure et devine aisément que demain sera aussi pénible qu'aujourd'hui. Deux options se présentent alors : Effectuer une étape de plus mais de 30km seulement ce qui est un peu ridicule, ou changer l'itinéraire c'est-à-dire longer les cours d'eau pour avoir plus de plat et rejoindre la Garonne au plus vite. Je me décide pour la deuxième option. Je me rallonge l'itinéraire de 25km au total mais je m'épargne des sections que je suppute trop difficile pour mon mental fragilisé par les efforts consentis. Tant pis pour Lauzerte, je bifurque le long d'un petit cours d'eau providentiel appelé la Séoune et qui prend dans mon esprit un aspect quasi miraculeux. Je franchit la dernière côte et me retrouve à St-Pierre-de-Nazac. Ici encore, comme un miracle, un stade de foot avec vestiaires et point d'eau extérieur trône sur le seul terrain plat de la commune. L'adjointe contacte tout le club de foot pour savoir qui pourrait m'ouvrir et c'est une douche froide (l'électricité est coupée) mais tellement revigorante qui symbolise ma récompense du jour. Y a même des pommes au dessert qu'une gentille dame de Montaigu m'a confiée !

Dernière étape aujourd'hui qui doit me conduire à Toulouse. Le temps est franchement instable et le vent n'est pas tombé. Je maudit ce trouble-fait qui souffle du Sud-Est c'est-à-dire de pleine face. Je n'ai jamais entendu parler d'un vent du Sud dans la vallée de la Garonne ! Qu'est-ce que c'est ce bazar ? (Aparte : à tort, il s'agit en fait du vent d'Autan qui souffle de la méditerranée, c'est assez courant) 80km à rouler dans la journée, j'avance à 14km/h de moyenne dans les deux premières heures, ça risque d'être long et usant. Heureusement le profil est assez plat comme je l'avais espéré. Mais ce vent ! Entre deux rafales, j'arrive à taper une pointe à 18 et puis un souffle s'engouffre dans mes sacoches et j'ai l'impression de m'arrêter sur place. Je monte les faux-plats à 9, je les descends à 15 parfois sur le petit plateau. C'est une situation que je n'avais pas encore connu et c'est vraiment usant nerveusement. Heureusement mes délais d'arrivée sont larges et je décide donc de continuer à rouler sans forcer et sans regarder le compteur... Les pauses sont fréquentes et localités du matin sont encore magnifiques : Moissac (son centre médiéval), Castelsarrasin (port de JY Cousteau!), Mas-Grenier (sa halle XIIè siècle magnifique) et surtout Verdun-sur-Garonne dont la bastide vaut à elle seule toute celle que j'ai pu visiter la veille, les fresques intérieures sont simplement éblouissantes de couleurs, la lumière tamisée par les vitraux à dominante bleue rend le lieu comme détaché du monde extérieur et des pierres ocres utilisées pour la construction des bâtiments médiévaux. Je resterai presque une heure dans ce lieu paisible à m'imprégner de l'atmosphère ressourçante qui y règne. La route finale vers Toulouse n'est pas des plus palpitantes, lesroues des camions sont toujours aussi grosses et les abrutis sont toujours aussi proches de mes sacoches ! Heureusement pour finir, j'emprunte une piste cyclable qui longe la Garonne. Une dernière parenthèse de verdure délicieuse avant de retrouver Antoine et Valou dans leur cocon d'amour ! Leur bonheur fait plaisir à voir et même s'il contrecarre un peu mes plans ;o) c'est une joie immense qui m'envahit. Une deuxième mission s'ajoute à mon trajet et quel enchantement de devoir la relever.
Merci à eux et à toute la bande toulousaine de m'avoir accueilli comme si l'on s'était quitté la veille. Ces quelques jours passés ensemble ont été un véritable électrochoc dans ma démarche psychologique.

Merci à tous ceux que j'aime. Je réalise pleinement l'importance de mes sentiments pour ceux qui me sont chers. Je veux me dépouiller, je veux m'extraire mais sans vous, je ne suis qu'une coquille vide, les sentiments qui me rattachent à mes proches sont l'essence même de mon âme. Je ne peux définir ce qui me rattache à vous car je suis vous tous réunis.
Mon itinéraire va désormais s'écarter de vous mais mes pensées se rapprocheront chaque jour un peu plus de vos cœurs.

5 commentaires:

  1. Ne te fais pas trop de soucis pour nous.
    Profite de ton voyage.
    Sois heureux c'est tout ce qui compte pour nous
    Tes parents

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  2. Ce fut un plaisir de t'accueillir, même si je finis par culpabiliser de t'avoir lesté de toute sorte de nourriture grasse du Sud Ouest ...
    Bon, on contrecarre quelque peu tes plans, mais c'est pour la bonne cause !
    Aller, surtout, n'oublie pas de penser à tes proches, ce sont eux qui t'encouragent de toutes leurs forces pour mener à bien ton aventure !!!
    A+,
    Antoine

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  3. Tu sais de temps en temps il faut être un peu égoiste, pense à toi et à ton voyage.
    Nous en tout cas on pense bcp à toi et aux merveilleuses rencontres que tu dois faire, profites en.
    Peut être qu'on se verra quand tu rentres pour les fêtes.
    Sinon, Kev va super bien, il faut croire que l'Australie change un homme
    Gros Bisous
    AG

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  4. on t'aime aussi, gros bêta !!
    t'as le bonjour et les encouragements de mon vieil ami Thomas.
    c'est quand qu'on pourra avoir des photos qui illustrent ton récit ?

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  5. Merci a tous vous etes geniaux !

    Les photos arriveront a Noel ! Si j en ai le courage... Nan je rigole ! Promis a Noel et vous ne serez pas decus !

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La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein.

La jeunesse est une victoire du goût de l'aventure sur l'amour du confort.
Douglas MacArthur.

C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
Nicolas Bouvier.
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